L'histoire qui suit est celle de Tristan, un gamin pyrénéen de dix ans régulièrement battu par son père. Pendant de longues années, le jeune garçon subit les coups et les vexations sans jamais se rebeller, ancrant au plus profond de lui-même tous ses désirs et ses espoirs de justice. Hélas, que peut un enfant de dix ans face à la brutalité de l'homme ? Quelle issue trouver lorsque l'on ne possède comme bouclier que ses rêves ? Tristan décida un jour de prendre en main son destin...
Un enfant au regard fatigué se cachait une dure réalité en grimpant régulièrement tout en haut d'une falaise. Il s'asseyait alors, les jambes pendues dans le vide, face au spectacle magnifique d'une vallée oubliée. Minuscule point de vie au sommet de l’immense muraille, son regard embrassait le paysage jusqu’aux confins de l’horizon. Au bas de la montagne, très loin de lui, les prairies d'herbe rase et de bruyère en fleur laissaient apparaître quelques arbres disséminés ça et là par une main d'essence divine.
Le petit bout d'homme n'avait pour compagnon qu'un minuscule walkman qui égrenait les notes d'un piano et, bercé par la musique, il se laissait emporter dans des songes réparateurs. Hélas, la quiétude de ses soirées solitaires se noyait beaucoup trop souvent sous le flot de sa mémoire et les arbres et les prairies, où chantait pourtant le vent si doux, disparaissaient soudainement derrière ses douloureux souvenirs : un torrent de vécu trop difficile à assumer pour un petit cerveau envahissait alors la plaine et cachait la réalité d'une vue fantastique sous un grand rideau de brume. Quelquefois, l'enfant laissait s'échapper les larmes de son cœur devenu trop lourd. Et les notes magiques du piano apaisé s'envolaient comme un grand cri dans le ciel assombri. C'était, pour la petite âme blessée, le seul moyen de s'évader...
Un soir où le rideau de pluie grisonnait encore un peu plus la plaine, des souvenirs trop douloureux poussèrent l'enfant à sauter de tout là-haut. Par cet acte, il voulait simplement réaliser un grand rêve : voler comme un oiseau au dessus de la réalité et ne plus jamais se poser. Vivre dans les airs pour n'être plus qu'un songe et rejoindre la musique, les tendres notes du piano.
Ce soir là, un grand arbre millénaire dont la vie s'éternisait, se coucha dans la prairie et se laissa mourir : il avait entendu le cri d'un petit garçon, tout en haut de la falaise. Et quand il vit l'enfant qui chutait le long de la paroi, il ne voulut pas le laisser seul pour son nouveau voyage...
Les rêves d'un enfant, qui voulait croire en la vie, vinrent enlacer les branches du géant qui s'était endormi. Le petit corps sans vie se posa sur les feuilles d'un ami, qui avait décidé pour lui de quitter la réalité. L'arbre et l'enfant se rejoignirent dans un monde magique où les blessures de l'esprit cicatrisent en musique.
De ce drame lointain que personne n'a su, il ne reste aujourd'hui que quelques notes d'un piano qui s'évadent d'un walkman laissé tout là-haut.
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L'enfant et le piano |