L'autre monde (suite)
« La nuit était maintenant froide. L’enfant aux cheveux couleur de l'horizon était étendu au fond du ravin. Tout semblait mort autour de lui : les animaux s'étaient reculés dans leur tanière, les fleurs et les arbres s'étaient endormis sur le lit de leurs odeurs, l'eau du torrent s'était tue sous le manteau de glace qui la recouvrait maintenant. Même l'herbe de la grande prairie ne bruissait plus, car le vent était parti souffler ses histoires à travers le monde, sur d'autres pays. Les petits moulins étaient immobiles et ressemblaient à des pierres noires, dispersées sur le flanc de la montagne. La vie avait quitté cet endroit...
Un bruit, seulement, pouvait encore attirer l'attention d'un quelconque voyageur qui se serait perdu dans ce monde mort : c'était le cœur d’un gamin aux yeux couleur de vie. Il battait maintenant tout doucement, comme un oiseau blessé qui appelle le vent. De temps en temps, il oubliait un coup : il avait perdu le doux rythme régulier de l'espoir. L’enfant pleurait...
Soudain, à travers une larme, il vit un homme qui s'avançait vers lui. Son visage, éclairé par la lune, respirait la bonté, l'Amour, la vie. Ses yeux scintillaient comme des étoiles et, en allant au-delà de son regard, on pouvait apercevoir ce que nul Homme n'a jamais vu : il y avait là comme une ronde frénétique de tous les sentiments et de toutes les pensées de l'Univers. On y découvrait l'amitié dansant avec la souffrance, le malheur valsant avec l'égoïsme, la peur tournant avec la tendresse, l'Amour tourbillonnant avec la compassion...
L'homme dit, d'une voix très douce :
- Je suis l'accrocheur d'étoiles. On me confie les messages qui ne peuvent s'écrire, mais que chacun reconnaît. On me dicte ce que l'on a sur le cœur, et moi, je transforme ces pensées en lumières de vie et d'espoir. As-tu quelque chose à me donner ?
- Je ne peux te donner que mes rêves, répondit l’enfant aux illusions perdues. Accroche les très haut pour que le monde entier les voie. Que chacun vienne se servir de mes espoirs, de mes envies. Que chacun, lorsqu'il lève les yeux au ciel la nuit, puisse voir briller mon étoile, et se sente ainsi protégé par mon rêve. Que chaque être humain, que chaque être vivant qui souffre sache ainsi qu'il n'est pas seul. Et que le monde continue ainsi à poser des petits moulins au flanc des collines pour donner un sens au vent.
- Pourquoi veux-tu me donner ta charité ? demanda l'homme. L'étoile que j'accrocherai là-haut sera tienne. Elle ne pourra briller que pour toi. Et même si d'autres yeux se posent sur son éclat et comprennent ton message, ils ne pourront s'en servir. Car ton Amour est unique, comme le sont ta souffrance, ta peur ou tes rêves. Donne moi plutôt tes espoirs, tes angoisses : Lorsque tu seras perdu dans les méandres de l'existence, tu pourras ainsi lever les yeux au ciel et croire alors de nouveau au bonheur qui t'entoure. Le rêve ressemble parfois au cauchemar s'il ne se rattache à aucune réalité. Mais libre à toi de rendre réelles tes plus profondes envies, simplement en y croyant. N'oublie jamais que tu devras toujours t'arranger pour que tes rêves dévorent la vie. Sinon, c'est la vie qui finira par dévorer tes rêves...
L'homme s'était tu. En levant les yeux, l’enfant ne vit plus que le ravin qui s'allongeait devant lui. Avait-il rêvé cette apparition ? En fait, peu lui importait, car il savait maintenant que sa chute dans le précipice n'avait servi qu'à le grandir. Il savait que de nouveau, il pourrait courir dans les collines, parmi les moulins. Il savait qu'il pourrait remarcher dans l'eau du torrent, parler avec les animaux ou écouter le vent conter l'histoire de l'Homme. Il savait que là-haut, imaginaire ou pas, l'accrocheur d'étoiles était réel. Il connaissait maintenant le langage du rêve. Et puis, surtout, il n'était plus seul : sa petite fleur, Silène, serait bientôt là, avec lui, pour continuer à découvrir le monde...
Alors, courageusement, l’enfant se releva et il commença à gravir la montagne devant lui pour aller retrouver son rêve... »
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L'autre monde (II) |