Chemin faisant, l’enfant ne cessait de penser à la rencontre extraordinaire que la vie venait de lui offrir avec cet accrocheur d’étoiles. Les questions allaient et venaient, tour à tour, dans son esprit. Il décida alors de s'asseoir sur l'herbe d’un beau vert émeraude qui recouvrait la pente et commença à réfléchir.

- Pourquoi la montagne a-t-elle trompé la confiance que j'avais mise en elle ? demanda-t-il à l'existence.

- Parce que le grand cycle de l'univers en a décidé ainsi, lui répondit la vie. Le chemin de chacun est ce que chacun veut en faire. Certains pensent que ce chemin est tracé avant même la naissance et qu'il se confond dans l'essence même du monde. La grande carte de l'existence s'ouvre alors à leurs yeux, et leur destination finale, la recherche du bonheur, s'inscrit sur cette carte. Mais pour ceux-ci, la route qui les mènera à ce point ultime ne dépend en aucun cas de leur propre choix. Ils se contentent de suivre le fléchage de leur prédestinée. Et si à l'arrivée, le bonheur n'est pas au rendez-vous, c'est que leur existence n'était pas faite pour être heureuse. Ces personnes sont celles qui contrent la souffrance en disant : "C'est comme ça, c'est la vie."  Et puis il y a les autres, ceux qui estiment qu'ils ont leur propre chemin à tracer. Ceux-là ont le choix de la route qu'ils empruntent. Et si le bonheur n'est pas au rendez-vous, c'est qu'ils se sont trompés dans leurs choix. Ces personnes-ci ne contrent pas la souffrance, ils la vivent…

- Tu viens pourtant de me dire que c'était le grand cycle de l'univers qui avait décidé de ma souffrance. Alors, comment aurais-je pu tracer mon propre chemin et éviter ma chute dans ce cas ?

- Tu aurais pu le faire, petit ange. Car le grand cycle de l'univers n'est pas immuable. Chacun de tes rêves, chacune de tes pensées, contribuent à la formation de ton monde et font de ce cycle ce qu'il est à tes yeux…

 

Le gamin à l'esprit tourmenté reprit son chemin vers le sommet de la montagne d'un pas de plus en plus rapide. Il venait de décider qu'il avait toute une route à tracer. Il ne savait pas encore, à ce moment-là, que la vie allait mettre son choix à rude épreuve...

 

Au fur et à mesure de son ascension, l’enfant remarqua que le décors avait changé : Plus il s'élevait sur la montagne, plus l'herbe sous ses pieds semblait s'être pliée devant une force inconnue. Les buissons fiers et droits du bas de la colline présentaient maintenant des branches cassées et ressemblaient à des sculptures qui n'eussent jamais été terminées. Les rochers bruns, qui ornaient le flan de la falaise, avaient perdu leur écharpe de mousse qui les protégeait du froid. Le vent était revenu, mais il ne racontait plus d'histoire : Il soufflait par bourrasques, entraînant les nuages dans une danse folle. L’enfant découvrit soudain un de ses petits moulins, qu'il avait déposé à l'ombre d'un sapin le matin même : le grand arbre était couché sur l'herbe rase et, enlacée entre ses branches, une aile du moulin, déchirée, déchiquetée, laissait supposer le grand malheur qui avait dû s'abattre sur le haut de la montagne. Le petit être au regard affolé se mit alors à courir vers sa fleur, Silène, abandonnée seule dans la tourmente. Et lorsqu'il parvint enfin au sommet, il comprit toute l'horreur que dessinait autour de lui l'herbe desséchée. Il chercha toute la nuit, il chercha tout le jour, sa petite graine d'Amour. Et lorsqu'il la trouva au bout de nombreuses heures, elle n'était plus qu'une coque vide et ridée que la vie avait quittée...

 

L’enfant resta là, assis, sans bouger, pendant un long moment, ne comprenant pas pourquoi le vent, autrefois son ami, avait lui aussi décidé de détruire ses rêves. Il resta là, assis, sans bouger, pendant un long moment, écoutant son cerveau qui lui répétait inlassablement "pourquoi ?".

 

"Le chemin de chacun est ce que chacun veut en faire", se répéta-t-il pour lui-même. Il se releva alors et partit, cette fois-ci, à la recherche d'une nouvelle terre pour accueillir ses rêves...

 

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L'autre monde (III)