L’enfant au cœur couleur de rêves était triste : Il avait cherché longtemps, longtemps, une montagne qui eusse voulu de lui. Il avait enjambé un millier de torrents, il avait croisé des myriades d'animaux, il avait parlé avec une multitude de papillons… Mais, ni le rêve, ni l'espoir, n'avaient pu le secourir dans sa quête. Souvent, les paroles de l'accrocheur d'étoiles lui revenaient en tête : "Libre à toi de rendre réelles tes plus profondes envies, simplement en y croyant".

Peut-être n'y croyait-il pas assez ?

 

Puis, un soir, juste avant que le soleil ne disparaisse derrière les arbres, l’enfant avait aperçu une colline verdoyante, plus belle et plus sauvage que toutes celles qu'il avait déjà escaladées. Son cœur s'était mis à battre très fort lorsqu'il s'était retrouvé face au ruisseau qui serpentait parmi les rochers : Son eau était d'une pureté exceptionnelle ! Elle descendait directement du haut de la montagne, elle était un appel à la vie, à l'Amour. Le gamin aux yeux rieurs s'était penché sur l'onde vierge et avait contemplé son propre visage d'enfant : L'eau s'amusait à déformer ses traits ; le ciel, au dessus de sa tête, semblait se mouvoir comme si le vent était devenu fou. Le rêve avait alors fait le reste : Le petit être était devenu un nuage. Il se laissait caresser par la brise, prenant tantôt la forme d'un voilier, tantôt les contours d'un acrobate. Il n'y avait plus ni ciel, ni terre : Il n'y avait que le soleil qui berçait doucement tout l'horizon. Le jeune clown aux doigts agiles jouait de la musique avec ses rayons...

 

Puis, soudainement, le rêve s'était estompé : l’espace d’un infime instant, l'eau du ruisseau avait cessé de refléter toute la poésie de l'imaginaire. Il avait semblé à l’enfant que ce moment avait été très fugace, mais déjà, le rêve s'était enfui. Alors, il s'était agenouillé au bord de l'eau et avait bu à la source d'Amour. Le ruisseau s'était affolé :

- Que fais tu ? avait-il demandé.

- Je pénètre ton monde, avait répondu le gamin.

- J'appartiens à la colline, avait reprit le ruisseau, et je ne sais pas si je peux t'accueillir dans mon univers. Je suis né le jour où la montagne est née. Nous avons appris à vivre ensemble, dans la symbiose que nous avons créée : Je lui apporte la vie dont elle a besoin pour nourrir ses prairies, elle m'apporte la pente dont j'ai besoin pour me donner vie. Mais toi, que nous apporteras tu si nous te laissons découvrir notre rêve ?

L’enfant n'avait alors su quoi répondre et avait simplement dit :

- J'avais, moi aussi, construit mon rêve avec une autre colline. Je lui apportais mes petits moulins qui tournaient au gré du vent. Aujourd'hui, mon monde n'existe plus. Mes petits moulins ne servent plus à rien, car le vent ne les fait tourner que si mes rêves le lui demandent. J'ai besoin de toi et de ton eau pure, j'ai besoin de ta colline pour qu'à nouveau la ronde des moulins fasse chanter la brise.

- Tes envies, tes espoirs, sont ton propre univers, avait alors dit le ruisseau. Tu ne peux pas les laisser à un autre monde que le tien. Tu dois les conserver pour toi-même, dans ton propre rêve. Tu dois te reconstruire un abri dans lequel tu rangeras ta vie. Peut-être alors nos mondes pourront-ils fusionner pour ne former plus qu'un... Mais, pour l'instant, je ne peux que t'offrir l'enveloppe de ton abri. Garde là précieusement et construit ta vie à l'intérieur de ce cocon.

 

A ce moment précis, une petite bulle s'était formée à la surface de l'eau et était venue, tout doucement, effleurer la main de l’enfant. Celui-ci l'avait alors saisie délicatement et l'avait déposée sur son cœur qui s'était mis à battre moins fort pour ne pas la casser. Il avait dit :

- On m'a retiré beaucoup de choses, mais on ne m'enlèvera pas mes rêves : Je vais reconstruire ma bulle. J'y mettrai de l'Amour, de la passion, de la tendresse. Je la décorerai de chaleur, de lumière. J'y déposerai mes envies, mes espoirs. Je la ferai accueillante et pleine de vie. Et je reviendrai te voir alors...

Page précédente                                                                                                                     Page suivante

Accueil

(Conformément aux conventions internationales relatives à la propriété intellectuelle, cette oeuvre est protégée. Pour toute utilisation, merci d'en demander l'autorisation au titulaire des droits. IDDN.FR.010.0107072.000.R.P.2006.035.30620)

L'autre monde (IV)